Souvenir d'Algérie
Après avoir fait nos classes au 19e régiment d’artillerie à Draguignan, nous avions bénéficié d’une permission d’une dizaine de jours en fin d’année 1961. Nous avions pu ainsi passer les fêtes de fin d’année en famille. Puis le temps des adieux était vite arrivé. Il fallait quitter ses parents ses amis pour aller combattre en Algérie . Ce n’était pas très réjouissant, la date du départ était connu, mais pas celle du retour en espérant quand même revenir. Partir pour faire la guerre, pour ma part, j’étais plutôt mal. Après quelques paroles réconfortantes, il fallait bien partir.
Arrivé à la caserne, il fallait préparer son paquetage. Puis le 16 janvier 1962, après une cérémonie d’adieu, nous étions très tendus. Puis nous montions dans un bahut qui nous mena à Marseille. Arrivés à Marseille nous embarquions sur le Sidi Okba pour débarquer à Bône le lendemain. Nous étions ainsi une douzaine a fouler le sol algérien. A peine arrivés nous étions passés devant un hangar et notre regard fut attiré par des cercueils superposés sans doute prêts pour rapatrier d’éventuelles victimes. Au cours de l’après midi, nous avons été dirigés à Zérizère, ou se trouvait le PC du 3/28e régiment d’artillerie. Là nous avons reçu notre nouvelle tenue de combat. Pour la nuit nous avons couché dans un vieux bâtiment ou il était difficile de dormir avec les bestioles qui se baladaient dans la chambre et les détonations qui se produisaient au loin. Il fallait s’y faire Puis le lendemain nous avons été séparés pour rejoindre notre camp.
Je me suis retrouvé à Lamy . Là il y avait trois guitounes , dans chaque une, douzaine de lit et au sol un vieux parquet. Le premier jour s’est passé assez calmement. Nous prenions connaissance du règlement ainsi que le matériel qui nous était présenté. Il y avait des obusiers de 75 et un autre de 155 il me semble. La deuxième journée c’était déjà la vie de caserne avec son règlement et sa discipline. Enfin j’avais fait la connaissance d’autres bretons, ils sont partout, c’était déjà mieux ! ! Le soir à peine coucher : Alerte une sirène stridente se fit entendre et quand c’est la première cela fait un drôle d’effet. Pas le temps de s’habiller, juste le temps de mettre un manteau. Je m’étais placé à l’arrière du canon juste dans l’axe du fût quand le commandant de tir cria " feu ". J’avais été projeté par le souffle et je m’étais retrouvé sur le dos, parterre. Il est vrai qu’à l’époque j’étais léger. Cela avait été mon baptême du feu. Je m’étais placé là ou il ne le fallait pas. Le tir durait pratiquement toute la nuit, c’était impressionnant, nous en prenions plein les oreilles et quand cela s’arrêtait nous étions content de retrouver notre lit. C’était surtout la nuit que les tirs avaient lieu . Chacun avait son poste : il y avait le commandant de tir , le tireur, le pointeur, le chargeur, les artificiers. J’étais artificier avec deux autres collègues. Nous nous trouvions dans la soute, et nous mettions le nombre de charge dans la douille selon la demande du commandant. A chaque tir les gaz pénétraient dans la soute et nous avions plein les yeux, plein les narines, plein la gorge, plein les poumons et plus la charge était forte et pire c’était. Nous étions obligés de sortir de la soute pour respirer un peu d’air pur. Quand la nuit était calme il fallait monter la garde deux heures tous les quatre heures. Un faisait le tour du campement, pendant que le deuxième montait la garde dans le mirador, deux heures sans bouger c’était long.
La journée en général c’était plus calme. En face de nous à peu prés dix kilomètres se trouvaient des montagnes, trois sommets appelés " les pucelles ".c’est là que se trouvait l’ennemi. Dans la journée comme de nuit, des gros hélicoptères, certains appelés bananes vus leur forme survolaient et certains procédaient à des tirs. Les jours passaient ainsi. Quand il y avait vingt quatre heures d’accalmie, nous apprécions. Il fallait entretenir les canons, les mitraillettes, les fusils. Nous nous distrayons avec le moyens du bord, et puis il y avait le foyer avec une tête de mort sur le bar. Parfois le dimanche avec quelques collègues nous allions à pied à la messe à sept kilomètres de là, cela nous changeait un peu, nous prenions peut-être des risques ; mais nous n’y pensions pas. Un jour collègue nous proposa de nous emmener avec son bahut et nous étions arrivés juste pour " l’ite missa est ". enfin bref, il y avait l’intention.
Un jour un des nôtres eu la bonne idée de dresser un pavillon blanc avec une tête de mort au-dessus du camp. Ce pavillon avait-il servi de repère à l’ennemi, toujours est-il que le soir à la tombée de la nuit nous nous faisions tirer dessus à coup de mortier. Cela nous sifflais au-dessus de nos têtes et là nous avons connu de grosses frayeurs et cela dura une grande partie la nuit. Profitant d’une accalmie nous étions partis nous coucher vite fait et après quatre heures de sommeil nous avions fait le tour du camp et nous avions trouvés des restes de mortier à peine cent mètres devant notre camp. Le pavillon a été vite descendu, mais les nuits suivantes le même scénario se produisait. Nous voyions les coups de feu partir de la montagne, nous entendions la détonation ensuite, nous savions que c’était pour nous, toujours les mêmes frayeurs ; cela nous sifflais aux oreilles, nous avions l'impression que cela nous passais au-dessus, au raz de nos têtes, nous nous faisions tout petit, alors que les projectiles tombaient toujours devant notre camp sans explosion encore une chance pour nous. Jusqu’au jour ou nous avions été obligés de déguerpir.
A SUIVRE